Isabela

" Et combien de royaumes nous ignorent ? "

Claire
17 mai 2021

La plus grande de l’archipel, Isabela est une île volcanique. Les coulées de lave noires se jettent dans l’océan au pied de plages de sable blanc. Les iguanes marins se fondent dans le décor, noirs sur noir, et paressent sur les laves comme des gargouilles endormies. Le petit village de Puerto Vuillamil vit au ralenti, avec ses rues calmes. Sur isabela, il y a le village, l’embarcadère et une route pour les excursions qui mène au Cerro Negro, un immense cratère de 9 km de long, toujours actif. Le reste, par bonheur, ce sont des terres vierges qui se passent parfaitement de la présence des hommes.
Pour changer d’île aux Galápagos, il faut prendre un bateau, un hors-bord qui peut transporter une vingtaine de personnes. Les échos des familles passées avant nous n’étaient pas très rassurants pour ce trajet qualifié le plus souvent d' “horrible”. Vue mon expérience d’une demi-heure sur le voilier de nos amis portugais, où j’ai eu le mal de mer assez rapidement au point de devoir repartir avant d’avoir fini ma bière, je suis allée par précaution en pharmacie m'équiper de cachets anti mal de mer. Au final, la mer était calme et comme le bateau lève l’encre a 7h du matin, nous avons tous roupillé comme des bienheureux, bercés par le ronron des trois moteurs lancés a fond.
Nous arrivons courant de matinée a l’hôtel que nous ont conseillé “les Gnocs around the World”, une famille voyageuse que l’on ne connait pas encore mais qui était en Colombie en même temps que nous. L’hôtel est grand. Au dernier étage il y a deux chambres familiales et une grande terrasse avec cuisine. Nous avons l’hôtel pour nous et, à peine arrivés, les enfants font connaissance et nous avons déjà l’impression d’être en vacances avec des copains.
Le programme prévu par les Gnocs se transforme en journée cool et papote, petit resto sur la plage pour manger le traditionnel almuerzo a 5$ ( soupe, assiette complète riz blanc, viande ou poisson et un peu de salade, accompagné d’un jus de fruit maison) pour finir sur la plage. C’était jour de grande marée et les vagues venaient nous déloger de notre coin papote pendant que les enfants jouaient dans le sable.
Le lendemain, en fin de matinée, pour la marée basse, nous allons en tribu a la Concha de la Perla. Une crique incroyable où l’on fera nos meilleurs snorkelings. Nous y accédons par un ponton de bois, en enjambant otaries et iguanes marins.
Cette crique.... ah....tout un programme ! Nager pour la première fois avec des otaries et se rendre compte qu’elles sont joueuses. Accompagner un groupe de 7 raies aigles qui nagent en formation serrée et que l’on voit vue de haut comme un balai aérien... Voir des poissons multicolores de toutes tailles qui brillent quand, d'un coup, le soleil sort des nuages et transcende la vision sous marine.
Mais surtout, surtout, il y a les tortues... A la Concha de la Perla on peut voir les tortues de tout près, elles sont nombreuses à venir manger sur des rochers proches de la surface de l’eau. La visibilité est incroyable et elles viennent vers nous, comme si nous n’étions pas là. Un spectacle incroyable ! Quand on pense a toutes les fois au Mexique où on était comme des petits fous d’avoir aperçu une tortue, puis d’avoir nagé au large pour en voir, puis d’avoir payé un guide a Akumal et s’être baigné dans l’eau froide tôt le matin pour les voir à nouveau alorq qu’ici, en accès libre, on peut les admirer si facilement. Quelle grande chance !

IMG2919
IMG2896
IMG2574
IMG2575
IMG2720
IMG20210430103258
IMG20210430103333
IMG2588
IMG2584
IMG20210430113642


La journée continue. Nous trouvons à louer 9 vélos et partons pour le « Mur des Larmes ». Ce mur est à environ 8 km du village. Il date de l’époque dans les années 50 où, ici, il y avait un centre pénitencier et où les géôliers avaient ordonné la construction au milieu de nulle part d’un mur aussi colossal qu’inutile. Ceci, jusqu’au jour où il s’est effondré sur les prisonniers... Le chemin de terre mène jusqu’au mur, on peut ensuite continuer a pied au sommet d’une montagne où la vue sur l’île est époustouflante. De la on voit l’île telle qu’elle a toujours été, vierge.
Sur le chemin, du haut de nos vélos nous rencontrons une bonne quinzaines de tortues géantes qui se baladent tranquilles sur le chemin ! C'est pour cela que j’adore les Galápagos ! Enfin, j’adore comme ça, en période de covid, tranquille et désert, en temps normal je ne sais pas...
La seule chose que je ne comprends pas, c’est pourquoi les habitants ne cherchent pas à vivre plus en autarcie. Tout est importé, les fruits et légumes, les poussins... et le plastique. Dans toutes les tiendas, les sacs plastiques sont distribués allègrement. Pourquoi ? Pourquoi, ne pas utiliser des sacs en vrac, des poches en tissu ou en papier, pourquoi autant de plastique et d’emballage ? Qui devront ensuite refaire le trajet en sens inverse pour être traités sur le continent ? Oui, les bouteilles de verre et de soda sont consignées mais cela me semble tellement peu pour ce village du bout du monde... un mélange de Eourres et des Galápagos serait je pense le Paradis sur terre. Une terre isolée où les gens vivraient en bonne intelligence sans plastique et sans déchet. Mais non, au lieu de cela, le jour de la fête des mères en Equateur, nous voyons la pâtissière préparer des paquets garnis, faits de ballons brillants gonflés a l’hélium, et de confiseries sur-emballées.
Je me vois déjà, militante, monter une asso, en demandant le sponsoring de marque de produits ménagers verts quand je les vois faire le ménage au chlore et à la javel. Je perd espoir quand un matin sur la prochaine ile je les voit passer du roundup sur les mauvaises herbes du trottoir...
Revenons à nos tortues, sur le retour nous nous arrêtons sur les différentes plages accessibles par ce merveilleux chemin des tortues quand, entre chien et loup nous tombons sur un nid de tortues marines en train d’éclore. Un garde de la réserve est appelé et vient aider les tortues a sortir, le sable est compacte, il creuse et les dégage une a une. Puis il les emmène de l’autre cote de la dune. Trace 2 traits dans le sable pour que personne ne s’approche et, une a une, les dépose en haut de la plage pour qu’elles rejoignent vaillamment le large. Émotion pour nous et pour les Gnocs, pour qui c’est une première. Encore une fois nous nous sentons tellement chanceux !!!

IMG20210430172425
IMG2637
IMG20210430150145
IMG20210430164402
IMG2628
IMG2612
IMG2655
IMG26462
IMG2628
IMG26202


Nos amis partent le lendemain poursuivre leur voyage sur la prochaine île et nous continuons en famille notre découverte d’Isabela. Nous retournerons plusieurs fois a la plage de la Concha de la Perla et surtout nous nous offrons une sortie d’une journée a Los Tuneles, l’excursion immanquable de l’île.
C’est un peu cher, 75$ par tête mais avant la pandémie c’était le double et finalement l’agence nous propose un prix pour les enfants. Plus d’hésitation, en plus notre guide parle français et une famille américaine partagera notre bateau.
Le trajet commence en admirant l’eau turquoise près des côtes, le pilote met a fond ses moteurs, car il y a presque 1h pour rejoindre le site. Soudain il pile, une raie, une géante, une manta, est a coté du bateau, elle doit faire 5m d’envergure... nous sommes sans voix, enfin non, on est tous en train de crier d’excitation ! On l’observe un moment et nous repartons. Malgré la vitesse on a pu en voir 5 ou 6 de plus dans l’eau !
Nous arrivons sur le site de Los Tuneles. Suite à une éruption, la lave en partie externe a refroidi plus vite, tandis que le magma fluide a continué de s’écouler à l'intérieur, ce qui forme des tunnels de lave. A marrée basse cela forme une sorte de sanctuaire pour animaux marins qui trouvent ici des eaux calmes pour manger et se reposer. En snorkeling, pour pouvons venir voir de nombreuses tortues marines dont certaines sont si grandes qu’on a du mal à les mesurer. Je pense qu’elles étaient plus grandes que Gabriel et leur tête au moins aussi grosse qu’un ballon de basket. Ces animaux sont toujours aussi placides et nous ignorent royalement. Tant mieux, on ne veut pas les déranger. Sous les tunnels, on peut voir aussi les familles de requins à pointe blanche qui se reposent, tranquillou. "Messieurs dames, bonjour, ne vous dérangez pas pour nous, nous ne faisons que passer !" On a vraiment l’impression d’avoir ouvert la fenêtre et de passer la tête dans leur salon !
Nous remontons frigorifiés malgré les combis qu’ils nous ont prêtés, repartons pour un second site plus proche des côtes mais dont l’accès est sport. Qui dit côte, dit vagues. Notre pilote attend le bon moment et va surfer sur une grande vague avec le bateau pour s’approcher du rivage. 2e sortie snorkeling où nous découvrons des pingouins! Trop drôle ses petites bêtes que l’on voit plonger et chasser au milieu d’un banc de poissons ! Et puis, nous découvrons  des otaries à fourrure qui, contrairement aux autres, n’aiment ni ne sable ni le soleil et dorment à l'ombre dans les creux des rochers.
Nous remontons sur le bateau, cassons la croûte puis partons pour la dernière partie de la balade. Sur la terre ferme, nous allons explorer à pied ces terres de lave. 
Magnifique, Pol et moi sommes éblouis par ce paysage, qui ne ressemble à aucun autre. Il a l'aspect désolé de la lave noire et pourtant fourmille de vie. La vie des innombrables cactus qui poussent là. La vie par l’océan, par les tortues que l’on voit de dessus gracieusement nager dans l’eau claire. L’otarie qui nourrie son petit, que l’on entend téter goulument La vie de ces fous a patte bleues qui nous toisent mais ne s’envolent pas pour autant. Je suis heureuse de savoir que ce lieu existe, et ce sur des km mais qu’une seule partie est visitée. Les langoustes vivent tranquillement dans leurs anfractuosités car les pêcheurs, depuis la création du parc sont devenus guides touristiques.
Voilà un petit coin de paradis qui continuera de briller sans nous et dont nous pourrons nous rappeler l’existence en souriant... Devant ces paysages, une phrase de Timothée de Fombelle - dans son romans "Vengo" - résonne à mes oreilles
«  Et combien de royaumes nous ignorent ? »

IMG20210502153251
IMG20210502162127
IMG20210502163622
IMG20210502162915
IMG202105021646362
IMG20210502165004
IMG20210502165622
IMG20210502165846
IMG20210502170800
IMG20210502171236



Nos derniers jours a Isabela passent paisiblement. Déjà nous rêvons à la prochaine île où, parait-il, il est plus facile de se nourrir car ici... c’est un peu compliqué. Les magasins ne proposent pas grand chose à manger et le ravitaillement dépend de ce que le bateau du jour aura apporté. Même le poisson est difficile à trouver... comment se nourrissent les habitant d’Isabela ? c’est un mystère que nous n’aurons pas élucidé.


Changement d’île veut dire, nouveau bateau.
Nous devons repasser à Santa Cruz puis prendre un second bateau pour San Cristobal. Nous choisissons le départ de l’après midi pour ne pas faire les deux trajets dans la même  journée. Dernier snorkeling le matin, nous devons repasser à la laverie récupérer nos vêtements pour faire nos valises avant de déjeuner. Problème, la laverie est fermée... Oups ! On prépare ce qu’on peut, on part déjeuner un peu stressés à coté de la laverie pour le pas louper le gars. Il est 14h on doit partir pour le bateau dans une demi-heure, on n'a pas mangé et nous n’avons pas nos vêtements... Stress...
Les voisines s’activent pour trouver le numéro du gars de la laverie, a 14h05, elles arrivent à le joindre, nos plats arrivent, à 14h10 la laverie ouvre et nous récupérons nos vêtements, a 14h15 je repars avec Faustine faire les valise pendant que Pol et Gab finissent leurs assiettes. A 14h30 on est dans le taxi. Ouf on y est !
Le trajet en bateau sera folklorique. C’est un peu la lutte car les places du fond sont les plus stables donc celles où on a le moins de risque d’être malade. Il faut arriver en avance a l’embarcadère, puis il faut prendre une petit bateau taxi qui va charger tout le monde au large sur le hors-bord. Il faut donc être placé de façon stratégique pour sortie en premier de cette lancha et choisir sa place. Nous ne sommes pas les premiers, 5 personnes se mettent au fond sur la banquettes face a la mer et a l’air libre. Nous nous plaçons a l’arrière sur les banquettes le long du bateau et abritées par le toit. Trois personnes montent a l’étage. Tout le monde est installé, nous partons. Ce n’est pas le même trajet, les vagues sont fortes et nous sommes face au vent. Rapidement les personnes du fond et du haut se font mouiller. Un couple digne de la télé-réalité avec claquettes blanches Lacoste, baskets compensées léopard, maillot de bain minuscule a paillettes sous un élégant tee-shirt en mailles transparentes, brushing impeccable et faux cils de circonstance, perche a selfie a la main, va se décomposer tout le long du voyage pour finir en petits chats trempés et faux cils décollés. Un Chinois va résister stoïquement tout le trajet sous son masque, ses lunettes de soleil et son chapeau, les gouttes lui coulent dessus comme s’il voyageait sous une gouttière un jour de déluge... Et personne ne bouge… Chacun reste a sa plage à se laisser tremper jusqu’aux os.... Le summum arrive quand une personne du toit craque et descend parmi nous, dégoulinante comme si nous venions de la repêcher... 
Nous arrivons donc tardivement mais secs (pour nous quatre) à Santa Cruz où, au même hôtel que nous avions pris pour notre séjour sur cette île, nos hôtes nous accueillent souriants et nous mènent jusqu’à notre chambre comme si nous revenions a la maison. Le temps pour Pol de passer au marché aux poissons et nous nous régalons de thon frais et de petites pommes de terres sautées.
Le trajet du lendemain, avec départ à 7h, vaut aussi son récit puisque cette fois, nous avons été heureux d’avoir nos petits cachets. C’était  « vomi party » dans le bateau. Les petits sacs se remplissaient allègrement, sous fond de bruits rauques semblables à ceux des otaries. Merci les anti mal de mer. Pour nous c’était nickel !

Mots-clés: animaux, Galapagos, Equateur

Commentaires   

Coucou
deuxième visionnage des photos, gourmandise du soir... J'aime bien les superpositions en équilibre de cactus, on dirait des sculptures de Brancusi !!!
bisous
Merci encore pour vos derniers récits et photos que j'attendais avec impatience ! Quel plaisir de voyager par procuration alors que notre sortie à Strasbourg pour un entretien d'école de Tom m'a paru une aventure si dépaysante, moi qui n'ai pas bougé depuis trop longtemps ...
Gros bisous.
Merci encore au Domovoy de prendre soin de vous. Il est sympa, il vous trouve des places au sec sur le bateau.
bisous !! ;-)
Salut!
Quelle aventure !!! :-x 8) :o !!! Vous n'avez pas d'images des "bling bling à faux cils" trempés ?? C'est un vrai sketch!!! :P
Merci pour ces images de nature fantastique. bisous

Vous ne pouvez pas laisser de commentaires